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Les baumes d'Alazia
16 juin 2005

Bulle, envole-toi

Le temps. Qu’en dit-on le plus souvent? Qu’il presse? Qu’il passe trop vite? Qu’on ne le voit pas passer? Qu’il file entre les doigts? Qu’on en manque toujours autant? Qu’il faut rattraper celui que l’on a perdu? Oui, on dit tout cela, mais qu'en est-il des exceptions? Celles qui le feraient s’éterniser, qui le rendraient interminable, qui feraient croire que les aiguilles de l’horloge se sont arrêtées? Suspendues en attendant. En attendant que l’on arrive à tourner la page, à vivre le deuil, à passer au chapitre suivant…
Un mois. Trente jours. Trente jours, qui en d’autres circonstances m’ont déjà paru trop courts, me séparent de ma dernière rencontre en thérapie de groupe. Les filles me manquent. Et le temps prend son temps pendant que je m’ennuie d’elles. Aujourd’hui, je constate et j’endeuille.
L’itinéraire
Au début, j’aperçois le trouble qui souffle, et de l’anneau fait sortir une bulle, emprisonnant du même coup cinq étoiles, ses victimes. Au fil du voyage, elles volent très haut dans le ciel, mais parfois, elles craignent de s’écraser tellement leur bulle frôle le sol. Elles se rapprochent, se soutiennent, éprouvent ensemble pour le meilleur et pour le pire, et s’efforcent d’atteindre les sommets d’un équilibre sans danger, telle est la condition de leur délivrance. Petit à petit, la bulle s’amincit, par le passage du temps et des intempéries. La bulle du trouble perd des forces, s’affaiblit, menace de se rompre.

Paradoxe. Son explosion inévitable est libératrice et redoutable. Libératrice pour la fin du parcours qui marque le début du voyage vers l’extérieur, de celles que nous sommes devenues à l’intérieur. Authenticité atteinte ou à portée de main; le rythme de croisière diffère. Redoutable pour la rupture qui marque aussi l’éclipse d’un monde clos et protégé, et l’éclatement d’un tout plus fort que ses parties. Le trouble s’éloigne et malgré lui se détache de la bulle qu’il a fait naître, et qui, sans lui, n’aurait jamais vu le jour. La tempête cesse et cède. Place à la voie lactée, le bouclier qui unit, rend plus fort, éclaire et prépare au combat qui fait peut-être encore rage dehors.
Le 16 mai dernier, en plein vol, la bulle a éclatée pour laisser filer les cinq étoiles qu’elle portait en son ventre depuis des mois.
Mais aujourd'hui, comment éviter la mort de celle qui a pris racine là, dans cette bulle, à l’abri et les mains jointes à celles des quatre autres? Peut-elle survivre au-dehors? Risque-t-elle de se perdre sans ses repères familiers? Non. Oui.

Non. Je ne pourrai jamais faire revivre en d’autres occasions ou avec d’autres qu’elles quatre, celle que j'ai été en leur compagnie. La version de moi, près d'elles, ne peu subsister qu’à travers l’union de leurs yeux et des miens; de leurs pensées et des miennes; du contexte et du temps que nous avons fait nôtres. Ailleurs et en d'autres moments, avec d'autres, l’expérience recommencera, et puis les versions naîtront spontanément, et ainsi de suite, sans fin. L’authenticité, c'est ça. L’acceptation et la fusion de toutes ces différentes versions de moi-même, qui naissent au gré de mes expériences et de mes rencontres. La vie est en mouvement, tout bouge, tout change tout le temps; c'est pareil pour les gens. Je ne souffre pas de personnalités multiples, ne joue pas la comédie ni n’essaie de m’effacer. Au contraire, je dévoile enfin toutes les couleurs de mon cœur.
Et enfin, oui. La moi des soirs de lundis, cinquième étoile de notre galaxie, cinquième des doigts de notre main, survit. Car quand la bulle s’amincissait, au fur et à mesure je grandissais et comprenais. Plus ma confiance augmentait, de moins de souplesse la bulle disposait. Elle s’est évaporée pour nous céder nos places dans l’univers… à chacune d’entre nous maintenant de saisir celle qui lui revient en propre. Plus petite, je m’agrippais au trouble et à sa bulle pour ne pas basculer. La bulle maintenant transpercée, je vois plus clairement où je m'en vais sur le chemin à parcourir... sans elle, l'anorexie, sans lui, le trouble maudit. La personne que je suis devenue après la traversée des apparences, résiste et persiste de l'autre côté du miroir. Elle, c'est moi. Puis moi, je suis vraie. Et la vérité ne finit-elle pas toujours par éclater au grand jour?

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