Armes corporelles

Non, je ne disserterai pas sur les mécanismes de défense malsains ou l'automutilation, sujets si intimement liés au TCA, quoique ce ne soit pas les mots qui me manquent pour aborder la question. Mon titre fait plutôt allusion au cours d’autodéfense de cinq semaines, à raison d’une séance de trois heures par semaine, que je suis assidûment les mardis soirs en compagnie de 25 autres femmes de tous âges et de toutes nationalités.
Le Centre d’éducation et d’action des femmes, dont vous trouverez les coordonnées à la fin de cet article, offre une vaste gamme d’activités et d’ateliers tout à fait gratuitement, dont un cours d’autodéfense de quinze heures. Une gratuité qui en dit long sur l’importance que l’organisme accorde à la condition féminine. 
Ayant vécu, comme bien des femmes, des situations inquiétantes dans lesquelles je me sentais plus ou moins en sécurité, j’assiste aux séances avec grande attention. Je constate avec émotion que chacune d’entre nous a subi au moins une fois dans sa vie une certaine forme d’agression. Viol, enlèvement, violence conjugale, inceste, harcèlement physique et psychologique à court ou à long terme, etc. Le nombre de cas est troublant, voire alarmant. Pas surprenant que nous sommes si nombreuses à n’avoir d’yeux que pour les faits et gestes de l’instructrice.
Première notion de base : la protection de l’information. Autrement dit, on nous interdit de diffuser publiquement le contenu du cours. L’enseignement des techniques de défense, des astuces, des cibles sur le corps de l’agresseur et de nos propres armes corporelles s’adresse exclusivement aux femmes. Nous devons voir à ce que la précieuse information ne se rende pas aux oreilles d’un potentiel agresseur!
Deuxième notion de base : la puissance du corps. Apprendre à faire de son corps sa seule et unique arme de riposte. Quelle femme n’a pas déjà tenu fermement un trousseau de clés entre ses doigts, traîné du poivre de Cayenne (par ailleurs illégal) ou un canif dans son sac à main, ou encore gardé tout près une alarme de poche au son strident? Compter sur ces outils pour vous défendre suffit-t-il vraiment à satisfaire votre besoin de sécurité? Avec eux, vous sentez-vous plus à l’abri de tout assaut? Prête et apte à riposter efficacement contre un agresseur de n’importe quel gabarit? Les clés et le poivre ne vous seront d’aucun secours si, par exemple, vous figez et si vous ne savez pas comment les utiliser. Pire encore : votre agresseur  peut carrément réussir à s’en servir contre vous!
Mon désir d’enrayer la peur de marcher le soir m’a incitée à m’inscrire. L’instructrice dynamique, gentille, attentionnée et pince-sans-rire nous transmet toute l’importance de croire d’abord en nous-mêmes et en nos capacités. J’apprends à croire que lever des altères au gym, cinq fois par semaine, n’a rien à voir avec la force qu’il m’est possible de déployer. Mon corps et mon esprit sont des puissances en devenir, des volcans qui dorment. Grâce au cours, je saurai quoi faire pour maîtriser son irruption. J’en ferai ce que je veux, quand je veux, selon la situation. C’est moi qui déciderai. Saviez-vous qu’il existe plusieurs manœuvres que n’importe laquelle d’entre nous peut exécuter, et qui sont suffisamment efficaces pour tuer? Moi, je l’ignorais jusqu’à la semaine passée.
Les mardis soirs des trois prochaines semaines, j’exécuterai donc coups de pied et coups de poing et crierai du plus profond de ma gorge des ripostes verbales en compagnie de 25 autres magnifiques femmes fortes! À la fin du cours, nul doute que j’aurai pris conscience de mon pouvoir et de ma capacité de m’affirmer.
Finalement, je ne le trouve plus si moche que ça mon corps, quand je vois tout ce qu'il peut accomplir! Je suis toute excitée de mes nouvelles connaissances, mais évidemment pas au point d’avoir hâte de les mettre en pratique!
Centre d'éducation et d'action des femmes de Montréal (CEAF)
2422, de Maisonneuve Est
Tél. : (514) 524-3901